« MEGA (Make Europe Great Again) au lieu de MAGA ? »

16 Avr. 2025

L’actualité de ces trois derniers mois s’est articulée autour des excès de Donald Trump. Cette stratégie fait monter drastiquement le niveau d’anxiété économique. Tentons de comprendre.

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L’art de la guerre…commerciale

Tariff Man is back ! Donald Trump mérite décidément bien son surnom. Le Président américain multiplie les annonces, quitte à repousser ensuite certaines décisions.
Mais des questions se posent, quels seront les impacts ?

Ces excès appellent à de nombreuses questions, d’ordre macroéconomique (inflation VS croissance) et microéconomique (effet sur les chaines d’approvisionnement et les chiffres d’affaires). Une chose est sûre, cette stratégie fait monter drastiquement le niveau d’anxiété économique.

Une stratégie à haut risque

Même le Wall Street Journal a qualifié de « plus stupide guerre commerciale de l’histoire » qui aura des répercussions mondiales sur le volume des échanges et, in fine, sur le PIB mondial. Les investisseurs en ont bien conscience et considèrent que c’est actuellement le principal risque qui pèse sur les marchés, selon le dernier sondage de Bank of America. 
Des analyses montrent que, suite aux annonces récentes de Donald Trump pour le Canada, le Mexique et la Chine, les économies des deux premiers seraient largement impactées (entre 1 et 2 points de PIB), mais les Etats-Unis seraient théoriquement plus pénalisés que leur grand rival asiatique. Voici un bel exemple de situation perdant-perdant qui est bien loin de la promesse de campagne de remplacer les impôts par des rentrées dans les caisses américaines.

Y a-t-il une confusion de Trump entre l’atteinte d’objectifs géopolitiques et économiques dans l’utilisation des tarifs douaniers ? Partant de cette hypothèse, on pourrait déceler une stratégie à deux dimensions ; la première : un affrontement stratégique avec la Chine et la seconde : une posture tactique avec les autres « partenaires » commerciaux, dont l’Europe.
L’Europe qui est « méchante » en raison de la TVA (même si elle ne vise pas spécifiquement les Etats-Unis), semble être en haut de la liste des zones à imposer. Pour rappel, elle représente un quart des importations américaines et vend surtout des automobiles et des produits pharmaceutiques. Dans ce cas précis, les droits de douanes semblent être un outil transactionnel.
En effet, quoi de plus logique, après avoir relancé des projets de liquéfaction de gaz dans les États qui donnent sur le Golfe du Mexique (rebaptisé récemment Golfe d'Amérique par Donald Trump) comme la Louisiane et le Texas, que de considérer l’Europe comme le débouché naturel de ce flux de GNL. Il en va de même avec l’armement, au moment où le Secrétaire américain à la Défense appelle les européens à un objectif de dépenses dans ce domaine à hauteur de 5% du PIB. 
En ce qui concerne la Chine et bien que Trump entretienne des relations « excellentes » avec son homologue chinois, l’empire du milieu reste avant tout le pays qui a le plus important excèdent commercial en ce qui concerne les biens. Et dans la course à l’IA engagée entre les deux grandes puissances, les conditions d’accès aux semi-conducteurs devraient encore être restreintes, surtout après l’épisode DeepSeek. Mais comme rien n’est jamais simple, la Chine dispose aussi d’arguments pour trouver un compromis : elle dispose d’un stock de 1000 milliards de dollars d’obligations du Trésor américain et domine l’extraction et la production de terres rares.

Impact économique et incertitudes des marchés

Paradoxalement, pour le moment, ce sont surtout les États-Unis qui semblent souffrir de cette situation. Cela se voit bien entendu dans les niveaux des indices boursiers, puisque le marché actions américain est le pire performeur depuis le début de l’année. Il est même un des rares à être entré en territoire négatif début mars (depuis le début de l’année). Au niveau économique cela ne semble pas aller mieux, puisque la branche de la Réserve fédérale américaine (FED) d’Atlanta, qui publie une estimation du PIB américain en continu, a estimé une contraction de ce dernier sur le premier trimestre 2025.
Les autres marchés actions restent globalement orientés à la hausse, malgré un important regain de volatilité. Ceci est notamment le cas avec les indices boursiers européens qui après avoir été délaissés tout au long de l’année passée, malgré des valorisations plutôt intéressantes, font un retour remarqué. 

Pourquoi cet enthousiasme ?
Les actions européennes sont recherchées de par la volonté d’une partie des pays européens d’augmenter les déficits pour investir dans la réindustrialisation et la défense. Le parti conservateur allemand, qui vient de remporter les élections fédérales, s’est empressé et a annoncé un paquet fiscal qui comprend la levée d’un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros. De plus, nous pouvons ajouter le feu vert des dirigeants européens au plan de Bruxelles pour réarmer l’Europe avec la mobilisation de 800 milliards d’euros. Un virage à 180 degrés par rapport au contrôle budgétaire qui prévalait jusque-là.

Il est à relever que ces changements de stratégies européennes sont en grande partie motivés par les diverses annonces de la nouvelle administration américaine. Pour paraphraser le désormais célèbre slogan de Donald Trump, ce début d’année a décidément un air de MEGA (Make Europe Great Again).

Evolution of Atlanta Fed GDPNow real GDP estimate for 2025: Q1
Source : https://www.atlantafed.org/

MARCHÉS FINANCIERS

« MEGA (Make Europe Great Again) au lieu de MAGA ? »
America first vacille pour laisser la place à la Chine et l’Europe. Deux régions qui pourraient profiter des choix politiques des États-Unis par la relance budgétaire.

Le retour de l’Europe commencerait-il maintenant ?
Les événements politiques mondiaux actuels, avec leurs conséquences considérables, amènent son lot de rebondissements imprévus. Pourtant, le dénouement pourrait être bien différent de ce que souhaitent les États-Unis.

Un jour qui marquera l’histoire

Le 28 février 2025 pourrait, un jour, figurer dans les livres d’histoire. Ce jour-là, le monde entier a retenu son souffle en assistant à une scène ahurissante diffusée en direct depuis la Maison-Blanche à Washington : un allié de longue date des États-Unis a été humilié publiquement et littéralement expulsé du palais présidentiel. Le message ? Clair et sans ambiguïté.
La nouvelle administration américaine, portée par le slogan « Make America Great Again» (MAGA), ne fait pas dans la demi-mesure : les anciennes alliances ne sont valables que si elles servent les intérêts des Etats-Unis. Des décennies de partenariats jetées sur la table des négociations. Les principes moraux américains ? Redéfinis ! L’Europe, qui a bâti sa stabilité politique, économique et sécuritaire sur son alliance avec les États-Unis depuis 80 ans, se retrouve face à un défi existentiel. L’Europe peut et doit tenir debout par elle-même.

Les États-Unis en panne de confiance

Taxes, retour en arrière, taxes, retour en arrière, la confusion autour des taxes douanières et les inquiétudes autour des dépenses de consommation, moteur de la croissance aux États-Unis, plombe l’ambiance.
La guerre commerciale de Donald Trump préoccupe également les consommateurs américains, dont le moral a battu de l’aile alors que leurs attentes en matière d'inflation ont grimpé en flèche.
Les indices boursiers ont aussi fait pâle figure.

Évolution des classes d'actifs (CHF, %) janvier à mars 2025
Source : LSEG Datastream, BCV

Les Sept Magnifiques perdent des milliards et des milliards en capitalisation boursière.
Les semaines de baisse consécutives s’enchainent.

La réponse de l’Europe

L’Europe ne panique pas, comme beaucoup craignait, et tire ses propres conclusions. Enfin, l’Europe amorce sa transformation.
L’Allemagne, moteur économique du continent, montre la voie. La nouvelle coalition gouvernementale envoie un signal fort : Augmentation massive du budget de la défense, investissements colossaux dans les infrastructures et la technologie.
L’Union européenne passe à l’offensive : union des marchés financiers, politique industrielle pragmatique, régulations environnementales réalistes, politique énergétique solide – tout ce qui traînait depuis des années est enfin mis en œuvre avec une rapidité impressionnante. Et ce rapport Draghi autrefois tourné en dérision ? Il est désormais perçu comme le plan directeur de la renaissance économique européenne.

Même les marchés financiers suivent : un mouvement de réallocation des capitaux est en cours – les investissements se détournent des États-Unis pour se concentrer sur les actifs européens.

Les plans budgétaires en Europe ont ravivé l’intérêt pour les secteurs industriels et de défense européens. Cette initiative marque un tournant stratégique, renforçant le rôle de l’Europe dans le soutien à son économie face à une incertitude géopolitique croissante.
D’un autre côté, les tarifs américains ont mis à mal les alliances avec ses partenaires traditionnels.

En Europe, la dynamique est positive. L'enquête de Bank of America nous apprend que les investisseurs ont très largement revu à la hausse leur exposition au Vieux continent en mars. Mais restons vigilants, nous sentons bien que l'engouement lié à la relance allemande commence à retomber et que les espoirs européens vont se retrouver confrontés à la dure réalité de la difficile mise en place des plans de grande envergure envisagés.
Et la Chine ?

La Chine semble se positionner comme un potentiel bénéficiaire de cette réorganisation. L’empire du milieu reste un leader dans les secteurs à forte valeur ajoutée tels que l’intelligence artificielle, la biotechnologie, les énergies renouvelables, les véhicules électriques et la machinerie industrielle.
Au regard de ces évolutions, les secteurs du Luxe, de la Défense et de l'Industrie en Europe, ainsi que les industries technologiques asiatiques, sont bien positionnés pour bénéficier des politiques budgétaires et de l'accroissement des investissements publics.

L’ironie du destin

Ironiquement, c’est peut-être le mouvement isolationniste MAGA qui a réveillé l’Europe de sa léthargie. Plutôt que de sombrer dans l’insignifiance, le continent trouve une nouvelle unité, une dynamique économique renouvelée et une souveraineté sécuritaire renforcée.
Make Europe Great Again: sera peut-être le prochain slogan.

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